La très grande majorité des étudiants privilégient de devenir kiné libéral, alors que le secteur hospitalier peine à recruter le personnel suffisant pour faire face aux besoins. Ce paradoxe est appelé à disparaître, ou au moins s’atténuer, après la mobilisation de tous les soignants face à l’épidémie de coronavirus.
Devenir kiné libéral, une ambition partagée par de nombreux étudiants
À l’issue de leur cursus, et après obtention de leur diplôme d’État de masseur kinésithérapeute, les nouveaux professionnels de santé doivent alors choisir leur forme d’exercice. Ils peuvent alors s’orienter vers un exercice salarié (kinés hospitaliers, salariés dans un centre thermal…) ou privilégier l’exercice libéral. 80 % des masseurs kinésithérapeutes de France ont choisi cette dernière possibilité. D’autres enfin pourront aussi se spécialiser dans la kiné du sport notamment. Dans tous les cas, rejoindre ou créer un cabinet de kinés libéraux réussit à convaincre plus de 8 étudiants sur 10.
De nombreuses raisons peuvent expliquer ce choix de l’indépendance, notamment celles liées à la liberté d’organisation et aux conditions de rémunération. Ainsi, en 2016, on recensait 37.000 cabinets de kinés libéraux dans le pays, et 42 % de ces derniers se caractérisaient par un exercice de la Masso kinésithérapie en groupe. En 2018, la Drees soulignait même le danger de cette attractivité de l’exercice libéral. Selon les études de cet organisme d’études du Ministère de la Santé, le nombre de masseurs kinésithérapeutes devrait progresser de 57 % d’ici 2040.
L’offre de soins serait alors surdimensionnée. L’étude de la Drees souligne, dans le même temps, qu’entre 2000 et 2016, le nombre de masseurs kinésithérapeutes a progressé de 3 % en moyenne par an, alors que dans le même temps la population française enregistrait une évolution moyenne de 0.6 %. Naturellement, la densité de kinés a bondi de 46 % en 16 ans, et l’institut s’inquiète d’un accroissement durable de cette dernière.
La difficulté du secteur hospitalier à attirer les masseurs kinésithérapeutes
Si le rapport de la Drees s’inquiétait d’une future surpopulation des kinés libéraux en France dans les années à venir, il soulignait également la pénurie de professionnels dans le système de santé. Une étude réalisée par le Conseil national de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes (Cnomk) en 2018 a permis d’établir qu’il manquait en France, en 2018, plus de 3.000 professionnels dans le milieu hospitalier.
Le constat est partagé par la Fédération Hospitalière de France (FHF). En 2019, la FHF a organisé une vaste consultation des établissements de santé, et 97 % de ces derniers ont souligné les difficultés rencontrées pour le recrutement de masseurs kinésithérapeutes et plus généralement de personnels paramédicaux. Parmi les raisons les plus invoquées par les professionnels de santé eux-mêmes pour expliquer ce manque d’intérêt, on notera :
- Les conditions de travail dans un service hospitalier
- Les conditions de rémunération.
Les kinés libéraux et hospitaliers, mobilisés pendant la crise du coronavirus et après ?
Cest donc bien un paradoxe à la française qui s’est fissuré à l’occasion de l’épidémie. La traditionnelle opposition kiné libéral – kiné hospitalier s’est substitué la mobilisation de toute une profession. Les hospitalisations et plus encore les réanimations ont fortement sollicité les masseurs kinésithérapeutes hospitaliers, qui ont pu bénéficier de l’aide de kinés libéraux mobilisés sous une forme ou sous une autre, et même des étudiants. Alors que les kinés hospitaliers ont dû subir une vague difficilement soutenable il y a quelques semaines, cest aujourd’hui au tour des kinés libéraux de devoir accompagner les patients sortant de plusieurs semaines de réanimation.
Dans tous les cas, le regard porté sur la profession tant par le grand public que par les autorités publiques a changé. L’importance de la kinésithérapie à l’hôpital s’impose avec plus de force, et tous ont pu constater le manque criant de personnel. À l’instar des infirmières ou des aides-soignants, les kinés attendent désormais plus que de simples discours. Le Ministre de la Santé, Olivier Véran, a déjà annoncé un ambitieux plan hôpital, dont une des missions principales sera de revaloriser, « de manière importante et inédite » l’ensemble des soignants. Mr Véran a insisté sur les efforts qui seront faits pour améliorer les conditions de travail à l’hôpital, mais aussi pour garantir une rémunération à la hauteur des attentes des soignants.
Ce sont ces deux griefs qui détournent les étudiants de la voie hospitalière. On peut donc supposer que ce plan hôpital pourrait réduire le rapport entre les étudiants choisissant de devenir kiné libéral et ceux préférant rejoindre l’hôpital. Il faudra attendre quelques semaines avant de comprendre si ce mouvement va s’inscrire dans la durée.
Et vous, pensez-vous que le plan hôpital va susciter de nouvelles vocations pour les kinés hospitaliers ? Avez-vous d’autres idées pour solutionner ce paradoxe libéral – hospitalier ?
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