Des médecins, des kinés, des infirmières, et bien d’autres soignants se mobilisent actuellement contre ce qu’ils considèrent être une dérive dangereuse de l’offre de soins. Ils dénoncent une privatisation de la santé.
Quils aient choisi d’exercer sous statut libéral ou qu’ils aient privilégié de rejoindre l’hôpital ou un établissement de soins, privés ou publics, les masseurs kinésithérapeutes, comme les autres professionnels de santé, sont soumis au respect de nombreuses règles, qu’elles émanent du Code de la Santé Publique, des codes de déontologie propres à chaque profession… Pourtant, dans l’esprit du grand public, la tentation est grande d’associer l’exercice libéral à une certaine forme de privatisation de l’offre de soins.
De nombreux professionnels de santé, dont des kinés libéraux et hospitaliers, s’inquiètent, eux aussi, de cette privatisation de l’offre de soins. Mais cette inquiétude renvoie à des problématiques bien différentes que cette simple distinction entre libéral et hospitalier. Alors que les multiples débats organisés au cours des élections présidentielles ont souligné la nécessité de réformer notre système de santé dans les années à venir, ces soignants s’interrogent de la pertinence de l’arrivée de grands groupes privés dans l’offre de soins primaires. Ils sont de plus en plus nombreux à contester ces orientations, prétextant qu’une telle évolution conduirait inéluctablement à un effacement de ces règles déontologiques et/ou de santé publique au profit de critères plus « économiques ».
L’avenir des kinés libéraux et de la médecine de ville lié à l’organisation du système de santé
Ces craintes sont d’autant plus fortes, qu’elles sont exprimées après les révélations du livre-enquête du journaliste Victor Castanet (Les Fossoyeurs). Cet ouvrage, dénonçant les maltraitances subies par les résidents des Ehpad du groupe Orpea, dénonçait un système, dans lequel la rentabilité avait pris le pas sur les soins et le bien-être des patients. S’il a conduit à l’ouverture d’une enquête officielle, il a aussi mis en lumière les dangers que peuvent faire naître la mainmise de certains groupes privés sur des secteurs relevant traditionnellement de la Force publique.
Or, cette « privatisation », anciennement limitée aux EHPAD ou aux cliniques privées, commence à gagner le domaine des soins primaires. Ainsi, RAMSAY France, n°1 de l’hospitalisation privée en France, s’est porté acquéreur de 6 centres de santé de la Croix Rouge en Île-de-France, tout en multipliant les expérimentations en la matière. Ainsi, dans le cadre de l’article 51 de la LFSS 2018 permettant de déroger aux règles communes en cas de propositions innovantes en matière d’organisation des soins, la filiale du groupe australien, Ramsay Health Care, a projeté de créer 5 maisons de santé avec des médecins généralistes, rémunérés au forfait. Inspirée du modèle suédois, cette incursion de Ramsay France dans les soins primaires soulève une question.
D’autant que les ambitions de l’entreprise sont clairement affichées, notamment dans un document de présentation publiée en fin d’année 2021. Le groupe assure ainsi souhaité :
« Ne plus être seulement un acteur de soins hospitaliers, mais de devenir un orchestrateur de santé, en accompagnant les patients au quotidien grâce à des services de santé digi-physiques »
En ne masquant pas son objectif de devenir « la référence en matière de soins primaires » le groupe a soulevé l’indignation de certains médecins. Ces derniers pointent du doigt, que les centres de santé concernés par l’arrivée de Ramsay France sont situés à proximité directe des cliniques, gérées par le même groupe. L’hypothèse d’une « captation » des patients par le biais de ces centres de santé représente un danger réel et sérieux, une accusation que le groupe conteste vigoureusement. Cette hostilité d’une partie des soignants concerne autant les médecins généralistes que les kinés libéraux ou encore les infirmières, et aucun ne sait jusqu’où pourront aller les conséquences d’une telle évolution. Cest ce que résume parfaitement le Dr Hélène Colombani, présidente de la FNCS (Fédération Nationale des Centres de santé) :
« Ramsay Santé va-t-il devenir un acteur de la solidarité et œuvrer en faveur de l’accès de tous à la santé ou va-t-il juste faire du business et se servir de ces centres comme porte d’entrée vers ses cliniques ? »
Et vous, craignez-vous cette privatisation de l’offre de soins ? Estimez-vous que cette tendance représente un danger réel pour les kinés libéraux ? Lequel ?
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