L’accès direct aux kinés, dénoncé par les médecins eux-mêmes !

Publié par 16 novembre 2021

Les médecins libéraux redoublent d’efforts afin que les transferts de compétences inscrits dans le PLFSS 2022 ne soient pas adoptés en l’état. L’accès direct aux kinésithérapeutes pourrait-il être remis en cause, avant même d’avoir été définitivement adopté ?

Les transferts de compétences des médecins vers les kinés, une avancée majeure ?

On a déjà souligné la satisfaction des kinés libéraux de voir une de leurs revendications récurrentes enfin prise en compte par le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PlfSS) 2022 : l’accès direct à la kinésithérapie. Certes, cet accès direct n’existera que pour une période de 3 ans d’expérimentation, mais masseurs-kinésithérapeutes et ministère de la Santé espèrent bien une généralisation de cette évolution au terme de ce délai. Le transfert de compétences des médecins vers les professions paramédicales ne concerne pas que les kinés, mais touche de nombreux autres professions, qu’il s’agisse des orthophonistes pour l’accès direct, ou encore des infirmières en pratique avancée (IPA) pour la primo-prescription ou les orthoptistes pour la prescription de lunettes et de lentilles oculaires « sans prescription médicale et sans être placé sous la responsabilité du médecin ».

Pour le ministère de la Santé et plus généralement pour les autorités sanitaires, ces transferts de compétences doivent permettre d’optimiser le parcours de soins de chaque patient. Adopté par l’Assemblée Nationale en première lecture, ce PLFSS 2022 fait actuellement l’objet de débats devant le Sénat, et ces transferts en général et l’accès direct aux kinés en particulier sont dénoncés par les… médecins eux-mêmes.

Une nouvelle opposition entre les médecins et les kinés libéraux ?

En effet, le fait est assez rarissime pour être souligné. L’Ordre des médecins s’est associé à 6 syndicats représentatifs des médecins libéraux pour adresser une lettre aux sénateurs, afin de contester la légitimité et la pertinence de ces prises de décisions. Dans un entretien accordé aux journalistes d’Egora, le Dr Patrick Bouet, président de l’Ordre des médecins, dénonce des « modifications fondamentales » apportées à notre système de santé sans aucune concertation avec les médecins. Il alerte :

« Donc oui, l’heure est grave, car nous allons au-devant d’expérimentations qui vont se multiplier. »

Par cette action commune, l’ordre et les syndicats entendent bien que ces transferts de compétences soient purement et simplement annulés. Le Conseil national de l’Ordre des masseurs-kinésithérapeutes (Cnomk) a tenu à réagir rapidement en publiant un communiqué, dans lequel la profession se félicite, au contraire des médecins, de ces amendements qui constituent selon lui “des avancées pour notre système de santé et pour les Français”.

Pour les kinés libéraux ou hospitaliers, toutes les mesures prises dans ce projet de loi participent à lutter activement contre la désertification médicale. Pour le Cnomk, c’est même une mesure bénéfique à terme aux médecins eux-mêmes, puisque le communiqué affirme :

« (…) dans le cadre d’une structure d’exercice coordonné, c’est une première réponse forte à la problématique de désertification sanitaire et permettra d’économiser du temps médical.”

Mais les représentants de la profession se désolent   “des levées de boucliers médicaux”. Ils craignent que le lobbying des médecins ne porte atteinte à l’esprit originel de ces amendements. Ainsi des centaines d’amendements ont déjà été déposés par les sénateurs, certains visant à encadrer cet accès direct aux kinés à une structure d’exercice coordonné. Les kinés ne désirent pas voir cette avancée essentielle pour la profession être contrainte par de tels aménagements, d’autant plus qu’il s’agit bien d’une expérimentation destinée à étudier les atouts de cet accès direct. C’est ce qu’a exprimé avec force Pascale Mathieu, la présidente de l’Ordre National des Masseurs Kinésithérapeutes en rappelant que ces derniers « sont une partie de la solution. Faisons leur confiance ! ». Devant la chambre haute, le ministre de la Santé en personne, Olivier Véran, a dénoncé le corporatisme des médecins, qui  « fait des communications pour torpiller toutes velléités qui consistent à permettre à des soignants paramédicaux, parfaitement compétents, de participer à l’offre de soins dans les territoires ». On peut craindre un durcissement des positions de chacun, alors que les kinés libéraux notamment attendent désormais avec fébrilité l’adoption définitive du texte.

Et vous, craignez-vous une remise en cause de cet accès direct qui n’a pas encore été déployé ? Que pensez-vous de la réaction des médecins libéraux face à ces transferts de compétences ?

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