Cest une querelle sémantique qui agite l’univers de la masso-kinésithérapie depuis des décennies. Quelles différences existe-t-il entre un massage et un modelage ? Le massage est-il une pratique exclusivement réservée aux masseurs kinésithérapeutes ? Un arrêt de la Cour de cassation devrait régler définitivement la question.
Quand le massage était un monopole des masseurs – kinésithérapeutes
Aujourd’hui, quand un jeune diplômé se lance dans l’installation de son cabinet de kiné libéral, il sait qu’il sera amené quotidiennement à prodiguer ces massages dits thérapeutiques, tout en ayant conscience que d’autres massages bien-être pourront être prodigués par d’autres professionnels. Mais la situation a évolué récemment en la matière, et jusqu’en 2016, les masseurs kinésithérapeutes défendaient leur monopole du massage, tel qu’il était défini par la loi :
La profession de masseur-kinésithérapeute consiste à pratiquer habituellement le massage et la gymnastique médicale.
Pourtant, depuis des décennies et principalement depuis le début des années 1980, les « attaques » contre ce monopole se sont multipliées. Le rythme évoluait en fonction de la généralisation de l’approche « bien-être » qui traversait alors la société de l’époque. Les procédures judiciaires entre les kinés libéraux et ces « professionnels non reconnus » étaient nombreuses, même si peu à peu, la profession a reconnu la nécessité de distinguer le massage « bien-être » du massage thérapeutique. Dès 2010, les masseurs kinésithérapeutes acceptaient une première entorse à leur monopole.
Certes, ils conservaient le massage dans leurs prérogatives propres, mais acceptaient que les esthéticiennes puissent, elles-aussi, proposer des modelages à leurs clientes et clients. Pour autant, les kinés libéraux refusaient de reconnaitre les PMBE, acronyme pour praticiens du massage bien-être (PMBE), alors même que ces derniers multipliaient les approches et les techniques pour attirer une clientèle toujours plus nombreuse.
Le massage à des fins thérapeutiques pour les kinés, les autres massages pour les autres professionnels
Publiée au Journal Officiel du 26 janvier 2016, la loi de modernisation du système de santé a clarifié la situation en supprimant toute référence directe au massage s’agissant de la description des soins prodigués par les masseurs kinésithérapeutes. En d’autres termes, la loi précise désormais que les massages prodigués par les masseurs kinésithérapeutes sont toujours à des fins thérapeutiques, et souligne même la grande diversité et variété des objectifs poursuivis. En revanche, elle ne retient plus le terme même de « massage » pour désigner cette pratique, mais insiste plus sur « massage thérapeutique ».
Pour les esthéticiennes et les professionnels du massage bien-être, la loi était donc considérée comme une reconnaissance officielle de leurs pratiques de massages bien-être. On aurait pu croire la situation définitivement réglée. Mais dans certaines régions, certains départements, les masseurs kinésithérapeutes continuaient à défendre scrupuleusement leur ancien monopole, en refusant que le terme de massage soit associé à un salon esthétique ou pire à un PMBE.
Cest une de ces procédures qui a été analysée et tranchée par la plus haute juridiction : la Cour de cassation. Et l’arrêt du 29 juin 2021 de la chambre criminelle de la Cour de Cassation devrait clore définitivement cette opposition. Les hauts magistrats ont ainsi considéré que les massages prodigués par les masseurs kinésithérapeutes étaient strictement encadrés par la loi :
« Seul est qualifiable d’acte professionnel de Masso-kinésithérapie le massage qui a pour but de prévenir l’altération des capacités fonctionnelles, de concourir à leur maintien et, lorsqu’elles sont altérées, de les rétablir ou d’y suppléer ».
L’arrêt poursuit en soulignant que les massages bien-être ne présentent aucun risque sanitaire avérés. Dès lors, la Cour de cassation autorise que le terme de massage soit utilisé par tous les professionnels du bien-être et par les esthéticiennes notamment, dès lors qu’aucune confusion nest possible avec les soins prodigués par un professionnel de santé. La décision tendrait donc à rendre définitive la décision prise par le législateur. Les prochains mois seront l’occasion de constater si cet arrêt a été assimilé et accepté par toutes les parties prenantes au dossier.
Et vous, comprenez-vous cette guerre juridique autour du nom même de « massage » ? Ce combat vous paraît-il justifier ou au contraire d’un autre temps ?
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