Le nombre de masseurs kinésithérapeutes a augmenté de 61 % depuis l’an 2000. Une récente étude souligne que les kinés libéraux devraient continuer à voir leur effectif s’accroitre de 57 % d’ici 2040. On est loin de la désertification médicale, que connaissent d’autres professions de santé et pourtant la démographie des kinés libéraux et hospitaliers posent aussi questions et problèmes !
La démographie des kinés libéraux, entre désertification et surreprésentation ?
Les déserts médicaux font partie des thématiques récurrentes depuis plusieurs années dès lors que l’on évoque la santé des Français et des Françaises. On souligne souvent les efforts des collectivités locales, qui rivalisent d’imagination pour susciter l’installation de cabinets de kinés libéraux ou même de maisons de santé pluriprofessionnelles. Pourtant, toutes les professions médicales ne sont pas à loger à la même enseigne, à en croire les nombreuses études publiées par la Direction de la recherche du ministère de la Santé (DREES). Une de ces études, publiées en ce début d’été 2018, concerne plus précisément les masseurs kinésithérapeutes, et on ne peut plus alors parler de désertification médicale les concernant.
On apprend ainsi qu’en 16 ans (entre 2000 et 2016), le nombre de masseurs kinésithérapeutes a vu ses effectifs croître de 61 %. Au 31 août 2017, on enregistre ainsi 85 223 masseurs-kinésithérapeutess inscrits à l’ordre. Mais l’étude de la DREES va plus loin en dévoilant le résultat de prospective. Et là, les résultats sont comparables à ce que l’on a connu ces dernières années, puisque le nombre de kinésithérapeutes en France devrait alors croître de 57 % d’ici à 2040. À cette date, il y aurait donc en France environ 133.000 masseurs kinésithérapeutes en France.
Les masseurs kinésithérapeutes, une densité de plus en plus forte
On ne peut donc pas parler, dans ces circonstances, de distorsions entre les besoins et les ressources. La démographie des masseurs kinésithérapeutes nest donc pas comparable à celle des médecins. Car l’augmentation du nombre de kinés en France est bien évidemment à considérer par rapport aux données démographiques générales. Ainsi, la croissance de 57 % du nombre de kinés d’ici à 2040 est à analyser en fonction de la croissance de la population, qui ne serait que de… 9 % dans le même laps de temps.
Cest donc bien la densité de masseurs kinésithérapeutes qui augmente, à l’inverse de bon nombre d’autres professions médicales ou paramédicales (médecins, pédiatres, ophtalmologues…). En 2000, on comptait 87 kinésithérapeutes pour 100.000 habitants, alors que ce ratio s’établissait à 127 en 2016. En 2040, il devrait même atteindre 184.
Dans le même temps, le ratio entre kinés libéraux et hospitalier reste de l’ordre de 80/20 à modérer en fonction des régions. Au 31 aout 2017, on constatait même 85.88 % de kinés libéraux pour 14.12 % kinés salariés.
Pourquoi la densité de masseurs kinésithérapeutes augmente-t-elle autant ?
Le ministère de la Santé a eu du mal à expliquer à la population qu’il faudra plusieurs années pour réussir à enrayer les problèmes de démographie en ce qui concerne les médecins. Pour les kinés libéraux et hospitaliers, la question pourrait être inversée au vu d’une hausse constante et durable du nombre de professionnels diplômés. Le numérus clausus a certes été relevé depuis plusieurs années, puisque le nombre d’étudiants acceptés dans les Instituts de Formation en masso-kinésithérapie (IFMK) est passé de 1929 en 2007 à 2756 en 2017, soit une hausse de 827 places en 10 ans. Le numerus clausus, mais aussi l’organisation même des IFMK (public, privé, sans but lucratif, privé avec but lucratif) expliquent que chaque année, plus de 1.000 étudiants français partent se former dans un autre pays d’Europe.
On compte aujourd’hui en France 20.000 masseurs kinésithérapeutes, détenteurs d’un diplôme européen non délivré par la France. Et la moitié de ceux-ci (soit 10.000 kinés) sont français. Le métier de masseur kinésithérapeute a donc la côte et continue d’attirer de nombreux étudiants et étudiantes.
Les problématiques liées à l’augmentation du nombre de kinés !
Puisque dans leur très grande majorité, les professionnels enregistrés à l’Ordre sont des kinés libéraux, on pourrait croire, dans un premier temps, que l’augmentation du nombre de professionnels sera régulée par la concurrence qu’implique l’augmentation du nombre d’indépendants. Cependant, cette hausse de la démographie des kinés libéraux ne solutionne pas le cruel manque de kinés hospitaliers, bien que les hôpitaux cherchent, eux aussi, des solutions pour rendre la profession plus attrayante.
Pour ce qui concerne les kinés libéraux, l’étude de la DREES souligne que l’augmentation du nombre de ces professionnels est à l’origine d’une augmentation de la consommation de soins. En matière de santé en général et en ce qui concerne les masseurs kinésithérapeutes en particulier, l’offre crée la demande, explique la DREES. Les comptes de la Sécurité sociale le prouvent et confirment cette tendance. Ainsi, on connait les efforts de l’Assurance Maladie pour contenir les dépenses des auxiliaires médicaux. Pourtant, entre juin 2017 et juin 2018, les remboursements de kinésithérapie ont augmenté de 3,4 % à 3,3 milliards d’euros. En rapprochant ce constat de la perspective de la DREES (+57 % de kinés supplémentaires avant 2040), l’Assurance Maladie a de quoi s’inquiéter pour les années à venir même si ces constats doivent être modérés et tempérés.
La réalité de l’avenir des masseurs kinésithérapeutes pour les années à venir en France
La croissance du nombre de kinés en France est donc bien plus importante que celle de la population. Cependant, la DREES explique que cette distorsion est moins importante qu’on ne pourrait le croire, et que cette atténuation sera encore plus visible et vérifiable dans les années à venir. En premier lieu, le vieillissement de la population est à prendre en compte, puisque les personnes âgées de plus de 75 ans consomment 5 fois plus de soins auprès d’un kinésithérapeute que la moyenne. L’augmentation des soins sera donc bien plus importante que la seule croissance démographique.
Des doutes subsistent néanmoins sur l’évolution de la demande de soins (les actions de prévention ne sont-elles pas destinées à maintenir les personnes âgées plus en forme ?) Les soins en masso kinésithérapie ne sont-ils donc pas appelés à être plus tardifs chez les personnes âgées ?
Une modération des chiffres bruts est aussi à apporter du côté des masseurs kinésithérapeutes eux-mêmes. Ainsi, la DREES souligne que les kinés libéraux d’aujourd’hui travaillent moins que leurs ainés. D’autres aspects, comme la féminisation de la profession, mais aussi le vieillissement des kinésithérapeutes, s’ajoutent à ces pondérations.
Au final, la DREES estime, que si le nombre de kinés augmentera de 57 % d’ici à 2040, l’offre de soins, elle, devrait être limitée à 19 % au même horizon. Certains souligneront que l’augmentation reste bien trop importante par rapport aux besoins et qu’elle devrait être à l’origine d’un accroissement de la consommation de soins. Or, en ces temps de rigueur budgétaire et de réforme de notre système de santé, ce constat semble être difficilement défendable et justifiable. D’autres ne manqueront pas de faire le parallèle entre cette étude sur la démographie des masseurs kinésithérapeutes en France et la concurrence des chiropracteurs, dénoncée par de nombreux kinés libéraux. Toujours est-il, que la question ne devrait pas rester longtemps sans une réponse des autorités sanitaires du pays !
Et vous, que pensez-vous de cette démographie des kinésithérapeutes en France ? Estimez-vous qu’un problème se posera dans les années à venir ou considérez-vous que l’augmentation permettra de faire face aux nouveaux besoins ?
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