Quand les masseurs kinésithérapeutes s’interrogent sur le tiers payant ?

Publié par 19 décembre 2017

La généralisation du tiers payant fait partie des questions récurrentes de notre système de santé. La Ministre de la Santé a récemment annoncé le report de l’officialisation de cette généralisation, en la repoussant à 2022.  En attendant, les kinés doivent bien faire face aux attentes de leurs patients et répondre à leurs propres contraintes.

La facturation des soins d’un masseur kinésithérapeute, une approche financière et éthique

 

À l’instar de tous les professionnels de santé, les masseurs kinésithérapeutes sont soumis à la problématique de la généralisation (ou non) du tiers payant. À l’origine, ce dernier ne devait pas devenir un critère essentiel dans le choix de son kiné. Pourtant, aujourd’hui, pour une partie (certes encore infime) de la population, le tiers-payant est devenu un facilitateur de prise en charge, pouvant guider la décision de certains. La récente reculade du gouvernement sur le sujet n’occulte pas ce qui reste selon certains, comme une menace contre l’esprit même de notre système de santé.

 

Il ne faut pas oublier qu’à l’origine, seule la liberté (de choix) du patient devait l’amener à choisir son masseur kinésithérapeute. Ce dernier restait, quant à lui, libre dans la réalisation des soins, qui lui étaient confiés.  En choisissant de généraliser, ou même dans certains cas, de systématiser le tiers payant – tant au niveau de la part obligatoire (AMO) que pour la part complémentaire (AMC) – , les masseurs kinésithérapeutes, comme tous les autres professionnels concernés, incitent donc les patients à choisir leur praticien non pas sur la base de la qualité des soins, mais sur celle de la « gratuité » relative, qu’implique ce système.

Le tiers payant, une généralisation à venir au cours des prochaines années, mais pour quels bénéfices ?

La généralisation du tiers payant, opposable à tous les praticiens et accessible à tous les patients, a été le cheval de bataille de la Ministre de la Santé de l’ancien gouvernement. Dès son arrivée au pouvoir, Mme Agnès Buzyn, Ministre des Solidarités et de la Santé, affichait une approche plus pragmatique. Elle reconnaissait certes la nécessité de répondre à cette « question d’équité et d’accès aux soins », tout en précisant qu’elle avait « horreur des obligations ». Aussi s’est-elle appuyée sur un rapport de l’Inspection générale des Affaires Sociales (IGAS) pour revenir sur cette décision de généralisation.

 

Si le rapport de l’IGAS souligne que la généralisation du tiers payant est possible dès 2018 pour la part obligatoire et 2019 pour ce qui concerne les complémentaires, la Ministre de la Santé s’est néanmoins donné de la marge, en soulignant que la mesure figurait parmi les objectifs à atteindre avant la fin du mandat en… 2022. On comprend qu’il ne s’agit plus d’une priorité absolue pour les autorités publiques, et on soupçonne alors l’efficacité du lobbying exercé par les médecins généralistes.

Les masseurs kinésithérapeutes et le tiers payant

Pour s’en convaincre, il suffit de lire le détail de ce rapport de l’IGAS publié en octobre dernier. Il en ressort que les médecins généralistes ne pratiquent le tiers payant que dans 47.5 % des actes, soit moins d’un acte sur deux.  Pour les masseurs kinésithérapeutes, le taux bondit à 80.2 %. Certes, il est moins important que celui des pharmaciens (99.5 %) ou des infirmières (98.8 %), mais il reflète néanmoins la prise de conscience de ces masseurs kinésithérapeutes libéraux, qui ont anticipé cette obligation légale.

 

Cette situation ne doit pas occulter la question que nous évoquions pour commencer ce dossier, à savoir l’introduction de considérations purement économiques dans le choix de son praticien de santé en général et de son masseur kinésithérapeute en particulier. En d’autres mots, un masseur kinésithérapeute s’installant en libéral est-il désormais tenu de généraliser le tiers payant, sous peine de voir ses patients se tourner vers des confrères ou des consœurs ? Nul doute que l’on entendra, dans les semaines et les mois à venir, les arguments de toutes les parties liées à ce délicat dossier. On y évoquera la déresponsabilisation des patients, la prépondérance de l’aspect financier dans la relation patient – professionnel de santé, mais aussi les contraintes de gestion pour les masseurs kinésithérapeutes en charge de se faire rembourser par les organismes payeurs.

 

Et vous, avez-vous généralisé le tiers-payant ? Considérez-vous que la généralisation officielle soit inéluctable ? Quels jugements portez-vous sur ce projet ?

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