Comment se portent les kinés libéraux en 2025 ? La question apparaît cruciale, et pourtant, elle semble passée sous silence depuis plusieurs mois.
Les kinés libéraux, à l’instar de bien d’autres professions de santé, revendiquent, depuis plusieurs années, pour l’amélioration de leurs conditions d’exercice. Est-ce à dire qu’ils se plaignent de leur bien-être et de leur état de santé ? C’est ce que les pouvoirs publics ont voulu savoir en 2023, en organisant une vaste étude sur le sujet. Depuis ce début prometteur, l’action s’est arrêtée en raison de l’instabilité politique, née de la dissolution de l’Assemblée nationale au début de l’été 2024. Cette nouvelle année 2025 replacera-t-elle la santé et le bien-être des kinés libéraux au cœur des débats ?
La santé des soignants, un sujet essentiel à l’organisation des soins en France
Les soignants en général et les masseurs-kinésithérapeutes en particulier avaient nourri de grands espoirs au printemps 2023. En effet, le 30 mars de cette année, Mme Agnès Firmin Le Bodo, alors ministre déléguée chargée de l’organisation territoriale et des professions de santé, avait lancé un chantier national, dont le titre même répondait à bien des aspirations : « Tous acteurs de la santé des professionnels de santé ».
Cela avait permis le lancement d’une vaste enquête auprès de tous les soignants, qu’ils exercent à l’hôpital ou en ville. L’objectif était de comprendre comment se portaient les soignants. Cette préoccupation s’imposait naturellement après une crise sanitaire (Covid-19), qui avait mis en lumière bien des problèmes et bien des dysfonctionnements. La question se révélait d’importance, alors qu’un quart des soignants reconnaissait alors être en mauvaise santé. Cette enquête répondait enfin à un enjeu de santé publique. Il s’agissait d’identifier les sources de mal-être voire de souffrance pour les professionnels de santé.
L’objectif étant alors de lutter contre ces dernières afin de rendre ces métiers du soin plus attractifs. Pour que les résultats de cette étude soient les plus pertinents et les plus exhaustifs possibles, le ministère de la Santé s’était associé pour l’occasion à l’Ordre National des Masseurs-Kinésithérapeutes ainsi qu’aux principales organisations représentatives de la profession.
Comment vont les soignants en général et les kinés libéraux en particulier ?
Le rapport sur la santé des professionnels de santé a été remis le 09 octobre 2023 et dresse un état des lieux assez précis. Il s’appuie sur la consultation de plus de 50.000 professionnels. Les auteurs de ce dernier se félicitent pour la prise en compte de ce sujet ô combien important (et pourtant souvent ignoré).
Ils insistent cependant sur la nécessité de maintenir les efforts sur le long terme en soulignant qu’un professionnel de santé en bonne santé est davantage en mesure de fournir des soins de qualité contribuant ainsi à une meilleure prise en charge des patients, du système et de la société, à court, moyen et long termes.
Pour les masseurs-kinésithérapeutes et les autres professions de santé, les principaux griefs, ceux invoqués le plus fréquemment, concernent la charge de travail et la (très) difficile conciliation entre vie pro et vie perso. Comme toutes les autres professions libérales de santé, les kinés libéraux connaissent ainsi un temps de travail hebdomadaire estimé à 46 heures. Cette surcharge de travail (le temps de travail hebdomadaire de la population est estimé à 39,1 heures) constitue non seulement une source de fatigue, mais participe à la dégradation physique des soignants.
D’un autre côté, le stress représente un secteur aggravant pour près de 6 soignants sur 10. Il ressort de ces constatations que l’état de santé des professionnels de santé se trouve dégradé par rapport au reste de la population. Le rapport rappelle une approche militaire, que l’ensemble des soignants devrait s’approprier : « Pour prendre soin des autres, il faut d’abord prendre soin de soi. »
En 2025, quelles priorités pour améliorer la santé des masseurs-kinésithérapeutes ?
Sur la base de ces constatations détaillées, les auteurs du rapport préconisent 6 axes de travail.
AXE 1 : Intégrer le sujet de la santé des professionnels de santé comme une priorité de notre système de santé publique à tous les niveaux
Le sujet doit avant tout être connu des professionnels de santé, mais aussi de l’ensemble de la population. Cette reconnaissance constitue le préalable indispensable pour garantir une optimisation des parcours de soins de tout un chacun.
AXE 2 : Sensibiliser et former les professionnels de santé à veiller à leur propre santé
Pour les auteurs du rapport, les professionnels de santé ne sont pas assez (ou pas du tout) formés à l’auto-prévention et à la gestion de leur propre santé. Cela doit changer avec une évolution de la formation initiale et continue de ces soignants.
AXE 3 : prévenir les risques professionnels, en repensant l’organisation de l’offre de médecine de santé au travail et en sensibilisant l’écosystème
Pour mieux protéger les kinés libéraux ou les médecins hospitaliers, il faut identifier précisément les risques spécifiques liés à chacun de ces métiers. De la mise en place d’un observatoire au renforcement de la médecine du travail dédiée aux professionnels de santé (libéraux et hospitaliers), des recommandations sont formulées.
AXE 4 : organiser pour tous les professionnels de santé un accès et une offre de prévention et de soins.
Dans la continuité de l’axe 3, le rapport préconise la mise en place d’une offre spécifique devant répondre aux besoins de ces professionnels de santé.
AXE 5 : repenser et mieux utiliser l’architecture organisationnelle et financière d’accès à la prévention et aux soins pour nos professionnels de santé
Tous ces efforts doivent inclure une refonte des dépenses allouées à cette santé des professionnels de santé. À budget constant, la prévention et l’accompagnement des soignants doivent être plus efficients.
AXE 6 : Assurer un pilotage transversal des actions dédiées à la santé des professionnels de santé
La méthodologie à adopter pour atteindre ces objectifs définis doit être globale, tant en ce qui concerne les spécificités de chaque profession de santé (kiné libéral, infirmière hospitalière, médecin spécialiste…) qu’en termes de localisation (Paris et grandes métropoles vs Province et déserts médicaux…).
Les kinés libéraux, comme bien d’autres professions de santé, pouvaient se réjouir, à la lecture du rapport, de la prise de conscience des autorités publiques. Cependant, alors que plusieurs réunions avaient commencé à poser les bases d’une avancée significative, cette question de la santé des professionnels de santé a été passée sous silence depuis le début de l’été 2024. En effet, la crise politique (et l’instabilité qui en découle) a stoppé brutalement tout avancée en la matière. Il faudra donc attendre un retour à une période plus stable pour que la santé des kinés libéraux et des autres soignants redevienne un sujet prioritaire.
Depuis plusieurs années, la santé des soignants en général concentre l’attention des pouvoirs publics. Si 2023 semblait marquer une avancée majeure sur le sujet, 2024 s’est illustré par un attentisme et un immobilisme que tous déplorent. On peut craindre que 2025 ne marque pas de changement majeur à ce sujet.
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