Sans surprise, le gouvernement a officialisé la création d’un service sanitaire obligatoire, que tous les étudiants du domaine de la Santé devront effectuer. Des questions pratiques restent encore en suspens même si on connait déjà les grandes lignes de cette nouvelle période incluse dans la formation des kinés de demain. Alors que faut-il penser de cette nouvelle période de formation, qui s’ajoute à un emploi du temps déjà bien chargé ? Et les ambitions du gouvernement sont-elles à la hauteur des enjeux posés par ces questions de prévention ?
Les étudiants kinés devront effectuer un service sanitaire obligatoire
Au cours de la dernière campagne électorale pour les élections présidentielles, le candidat Emmanuel Macron, devenu entretemps Président de la République, avait déjà fait part de ses grandes orientations pour la politique de santé publique. On retrouvait dans son programme l’idée d’un service sanitaire, qui serait applicable aux étudiants suivant une formation dans le domaine de la santé. Depuis son arrivée au pouvoir, Emmanuel Macron a pu détailler cette ambition et en préciser les contours. Ce projet sera donc la réalité pour plus de 47.000 étudiants, et ce, dès la rentrée 2018-2019. Cest ce qu’ont expliqué, au cours d’un déplacement à l’Université d’Angers, Agnès Buzyn, Ministre de la Santé et Frédérique Vidal, Ministre de l’Enseignement supérieur.
Les étudiants masseurs-kinésithérapeutes, mais aussi infirmiers ainsi que les étudiants des filières de médecine, de pharmacie, d’odontologie et de maïeutique sont concernés par ce service sanitaire obligatoire. Il ne reste donc plus qu’à mettre en place cette mesure ambitieuse, qui oblige chaque université et chaque école de masso-kinésithérapie notamment à adapter les calendriers des étudiants afin de pouvoir y insérer cette obligation de réaliser de la prévention. Pour permettre un « passage à l’acte » sans accroc, le gouvernement s’appuie désormais sur le rapport, rédigé par le professeur Loïc Vaillant. D’autres formations paramédicales devraient venir s’ajouter à cette première liste dès l’année 2019 (Orthophonie, ergothérapie…)
Enfin, si ce service sanitaire pour les kinés et autres étudiants en filière médicale doit sensibiliser ces premiers à l’importance de la prévention, il est aussi dicté par les exigences d’une ambitieuse stratégie nationale de santé. Par ces actions, le gouvernement entend bien lutter contre la morbidité évitable, mais aussi réduire les « coûts sociaux considérables », qui y sont liés, comme les 15 milliards d’euros pour l’alcool, les 26.6 milliards pour le tabac ou encore les 20.4 milliards pour l’obésité. Ainsi, pour la première année de cette nouvelle période de formation, 4 thèmes spécifiques ont été privilégiés :
- La nutrition
- Les bienfaits de l’exercice physique
- Les addictions
- Les conduites sexuelles
Les masseurs kinésithérapeutes en formation appelés à s’engager dans la prévention
Si les syndicats d’étudiants, que ce soit en médecine, en masso-kinésithérapie comme dans toutes les autres disciplines concernées, ne sont pas farouchement opposés à cette mesure, ils attendent néanmoins l’application pratique d’une mesure, prise dans l’intérêt de la collectivité. En effet, la Ministre de la Santé est revenue sur les raisons, ayant conduit à faire appel aux étudiants kinés, notamment pour faire de la prévention. Pas question d’attendre pour enclencher le « virage préventif » prôné par le gouvernement. « La prévention est une priorité de notre stratégie nationale de santé. L’enjeu de demain, cest comment préserver son capital santé. Nous formons aujourd’hui nos professionnels aux soins, ils doivent également être imprégnés de la culture de la prévention. »
Cest donc en toute logique, que la Ministre de la Santé entend sensibiliser les masseurs kinésithérapeutes de demain à la prévention, qu’elle s’est engagée à mettre en œuvre ce service sanitaire. Il reste désormais à préciser la forme qu’il prendra, mais aussi à créer les liens entre les Instituts de Formation des Masseurs Kinésithérapeutes et les autres écoles et universités d’une part et les centres ciblés pour réaliser ses missions de prévention d’autre part, et la tâche s’annonce ardue et complexe.
Une formation des kinés à repenser en intégrant ce devoir de prévention
À ce stade, seules les grandes lignes sont d’ores et déjà connues, comme la durée de ce service sanitaire. Ce dernier devra correspondre à 3 mois à mi-temps (ou 6 semaines à temps plein). Frédérique Vidal explique les 3 étapes successives de cette nouvelle période ajoutée au cursus des futurs médecins, infirmiers et autres kinés.
« Il se déroulera en trois étapes. Avec tout d’abord une période de formation, pour donner les outils nécessaires aux étudiants. Ensuite, ces derniers vont les déployer en situation, en menant une action de prévention. Enfin, ils effectueront une restitution dans le contexte académique. »
Cest vers les collèges, lycées et universités, que devraient se concentrer les actions de prévention des étudiants, même si d’autres pistes sont d’ores et déjà à l’étude. Le rapport Vaillant met ainsi en avant l’introduction de ce service sanitaire dans les prisons, les structures médico-sociales et même les Ehpad pour les prochaines années, et la liste est loin d’être exhaustive.
Les besoins en termes de prévention sont immenses, rappelle-t-on du côté du Ministère, qui ne masque pas cependant de souligner qu’il reste encore à apporter des réponses aux questions plus pratiques (À quelle période organiser ce service sanitaire dans le cursus des étudiants kinés notamment, sans trop perturber le déroulé des études ? Comment réussir à traduire la volonté du gouvernement de faire travailler ensemble différentes professions médicales ou paramédicales ? …). Toujours est-il, que ce service sanitaire sera obligatoire pour l’obtention du diplôme et qu’il ne sera pas rémunéré. (Les frais de déplacement des étudiants seront néanmoins pris en charge pour que, selon les dires de la Ministre de la Santé, « cela ne coûte rien aux étudiants »).
Un service sanitaire pour aller à la rencontre de nouveaux patients
L’ambition « Action prévention », prise par le gouvernement, ne s’arrête pas à ce seul service sanitaire rendu obligatoire. Il faut également aller vers un public, peu concerné jusque-là par les différentes actions de prévention, mises en place. En d’autres termes, le service sanitaire doit permettre aux étudiants concernés de partir à la rencontre de patients, qui ne sont pas habitués à ce type de démarche. Frédérique Vidal résume parfaitement l’esprit de cette mesure : « Les étudiants se déploieront de la manière la plus large possible, ils vont sortir des villes, aller dans les territoires ruraux. Nous veillerons à une bonne répartition territoriale ». Les kinés en formation dans les plus grandes villes de France seront ainsi susceptibles d’être appelés dans les communes rurales les plus reculées. Cest pourquoi le rapport Vaillant a déjà estimé le budget à consacrer à la prise en charge de ces frais de déplacement : 6.75 millions d’euros.
Enfin, Frédérique Vidal a tenu à souligner une autre attente du gouvernement en ce qui concerne l’application de cette nouvelle mesure : « Nous allons demander aux établissements de travailler sur des projets communs, afin que le service sanitaire soit l’occasion de faire collaborer ensemble les différentes professions de santé ». Ainsi, ces actions de prévention devront également permettre aux étudiants de mieux appréhender la réalité des autres professions médicales et paramédicales. Cest donc bien un projet ambitieux, qui a été dévoilé, et il ne reste plus que quelques mois pour le mettre en œuvre, même si plusieurs universités ont été choisies pour réaliser une première expérimentation dès ce printemps 2018. (Angers, Clermont-Ferrand, Caen et Dunkerque).
On peut légitimement croire, que ce service sanitaire obligatoire fera reparler de lui dans les prochaines semaines, voir dans les prochains mois, principalement lorsque les futurs élèves kinés ou médecins découvriront la réalité concrète prise par cette nouvelle obligation. Car, des déclarations de principe, auxquelles la majorité des professionnels de santé adhère, à la mise en œuvre au quotidien de ce service sanitaire pour près de 50.000 étudiants, il existe de nombreux obstacles, que les autorités devront franchir un à un.
Et vous, comprenez-vous l’instauration de ce service sanitaire obligatoire ? Est-ce selon vous une bonne idée ou faut-il encore aller plus loin ?
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